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Les moblots du Rhône au siège de Belfort en 1870-1871

Mémoire

« La retraite de l’armée prussienne est le seul moyen de concilier l’honneur et l’humanité » Réponse du colonel Denfert-Rochereau à la lettre adressée par le général Treskow lui demandant de se rendre.

Colonel Aristide Denfert-Rocherea, né à Saint-Maixent (18231878) Gardes mobiles du Rhône - Siège de Belfort - Blein Etienne de Charantay (collection pricée, reproduction interdite) Clairon de la garde mobile (musée de l'armée)

Le 3 novembre 1870 l’investissement complet de Belfort était réalisé par les 10.000 Prussiens du général Treskow. Pour leur faire face, le colonel Denfert-Rochereau [1]auquel le gouvernement de la Défense Nationale avait donné le commandement de la garnison disposait d’environ 16.200 hommes répartis dans les unités suivantes :

Armée permanente
Un bataillon du 84e de ligne.
Un bataillon du 45e de ligne.
Le dépôt du 48e, d’un faible effectif.
Une demi-batterie à pied du 7e d’artillerie.
Quatre demi-batteries à pied du 12e d’artillerie.
Une demi-compagnie du 2e de génie.

Garde nationale mobile
Une compagnie du génie formée dans la mobile du Haut-Rhin.
Trois batteries de la garde mobile du Haut-Rhin.
Deux batteries de la garde mobile de Haute-Garonne.
Trois compagnies du Haut-Rhin.
Le 57e régiment à 3 bataillons de la Haute-Saône.
Le 4e bataillon de la Haute-Saône (isolé).
Le 16e régiment du Rhône à 2 bataillons.
Cinq compagnies de Saône- et- Loire.
Deux compagnies des Vosges.

Garde nationale mobilisée, sédentaire, divers
Trois compagnies de mobilisés du Haut-Rhin.
Environ 390 hommes de la garde nationale sédentaire de Belfort.
Une centaine de douaniers.
Quelques gendarmes à cheval.

Mais à part les deux bataillons des deux régiments de ligne, la garnison était surtout composée de gardes mobiles dépourvus d’expérience, sauf ceux des deux bataillons du 16e régiment des mobiles du Rhône. En fin de compte le colonel Denfert-Rochereau ne pouvait guère compter que sur environ 3.000 combattants appuyés par quelques pièces d’artillerie.

Les origines de la garde mobile [2]

Ses origines remontent à la Révolution et au premier Empire, elle comprenait une partie de la garde nationale mobilisée pour la défense du territoire ou comme en 1848 pour le maintien de l’ordre à l’intérieur. Son titre fut repris en 1868 lors de la réorganisation militaire dont le maréchal Niel était l’instigateur. Elle était composée de tous les jeunes gens (ou presque) des classes 1867 et suivantes n’ayant pas été appelés dans le contingent annuel à la suite du tirage au sort.

Son organisation en bataillons et en batteries d’artillerie fut réalisée par département.

Contrairement à la garde nationale dont les officiers étaient élus, les siens étaient nommés par l’empereur et les sous-officiers et les caporaux par l’autorité militaire. Les exercices militaires se faisaient par canton pendant 15 jours par an. Lorsque le maréchal Niel meurt en août1869, son successeur, le maréchal Leboeuf se désintéressa de la mise en activité de cette garde, car seule l’armée permanente comptait pour lui. A la déclaration de guerre, si l’organisation des bataillons et des batteries était prête dans les dossiers, par contre leur mise sur pied rencontra de nombreux mécomptes et se fit tant bien que mal, grâce à la bonne volonté de tous.

A la fin d’août 1870, la garde mobile compte 58 régiments à 3 bataillons et 144 bataillons isolés avec 9426 officiers et 448.000 hommes.

Son armement

Le 15 juillet 1870, lorsque la garde mobile fut appelée en activité, elle ne put être en grande partie qu’armée de fusils modèle 1867, appelés fusils à tabatière qui tirait une cartouche lourde et courte avec une balle Minié en plomb d’un calibre de 17,6 mm. Ce sont les fusils à percussion modèle 1822 T et 1822 T bis se chargeant par la bouche qui furent transformés rapidement avec un bloc de culasse à l’arrière s’ouvrant comme le couvercle d’une tabatière et se refermant de même, permettant ainsi l’introduction de la cartouche en tir couché.
Ces fusils étaient équipés de la baïonnette à douille modèle 1847. Mais quelques semaines après leur formation les régiments de la garde mobile des zones de combat eurent leurs fusils à tabatière échangés contre des fusils Chassepot : ce fut certainement le cas pour les deux bataillons du 16e régiment de la garde mobile du Rhône.

Au 1er août 1870, l’armée française disposait de 1.019.000 Chassepot (M. Chassepot metteur au point du fusil portant son nom était armurier contrôleur à la manufacture de Chatellerault).

Partie arrieère d'un fusil modèle
</>1822 transformé en fusil à tabatière
Fusil Chassepot et sa baîonette "Yatagan"

Comme le fusil Dreyse qui armait l’armée prussienne il tirait une cartouche dont l’étui était combustible et la percussion se faisait par une « aiguille » qui traversait l’étui pour venir frapper une amorce placée sur le culot de la balle en plomb. Une culasse mobile permettait le chargement et l’abaissement de son levier d’armement formait un verrou. Le calibre était de 11 mm et le poids de 4,100 kg. pour une longueur de 1,31 m sans la baïonnette Yatagan [3].

L’approvisionnement de l’arme avait été prévu à 120 cartouches qui se réduisirent rapidement à 5 ! Les officiers étaient toujours dotés d’archaïques pistolets réglementaires à un ou deux coups (modèles 1833 et 1855). Par contre certains d’entre eux s’équipaient à leurs frais du revolver Lefaucheux 11 mm à 6 coups tirant une cartouche à broche.

Les canons des batteries de la garde mobile étaient encore en bronze et bien qu’étant rayés ils se chargeaient toujours par la bouche, mais avec des obus explosifs oblongs.

Siège de Belfort

Le 3 décembre 1870 commença le bombardement de la place par les canons prussiens et dura 73 jours. Au soir du 26 janvier 1871, le général Treskow lança un assaut qui échoua et lui coûta la perte de 450 hommes à la suite de quoi le maréchal comte von Moltke, commandant l’armée prussienne se serait écrié : « Belfort nous coûte cher ! ».

Grâce à l’énergie du colonel Denfert-Rochereau, au courage et à la ténacité des défenseurs dont une partie était des « Moblots du Rhône », Belfort continuait à résister aux prussiens, alors que la pauvreté des moyens français avait laissé entrevoir une reddition rapide.

Le 8 février, l’artillerie prussienne ayant détruit les quelques canons français, le général Treskow fit mettre en batterie une centaine de canons pour réduire enfin la résistance.

Plaques portant les noms des 50 gardes mobiles du Rhône morts pour la France lors de la défense de Belfort. Elles sont situées à l'entrée de l'hôtel de ville de Lyon, place de la comédie, avec celles concernant les morts des Légions du Rhône et de l'Armée d'active. Réponse du colonel Denfert-Rochereau au général prussien Treskow qui le sommait de rendre Belfort.

Mais le 26 janvier l’armistice avait été signé à Versailles, il fut étendu à la région de l’est le 13 février. Le colonel Denfert-rochereau reçut alors du gouvernement de la Défense Nationale l’ordre de se rendre. A huit heures trente-cinq minutes du soir, le dernier coup de canon de la guerre de 1870-1871 était tiré par le maréchal des logis Huyghes.

Le colonel Denfert-Rochereau sortit de la ville le 18 février avec armes et bagages à la tête des défenseurs survivants [4]dont les Moblots du Rhône qui avaient perdu 50 des leurs, morts pour la France.

Ils avaient permis, eux aussi, que Belfort reste français, alors que l’Alsace et une partie de la Lorraine étaient cédées à l’empire allemand.
Cette médaille (non officielle) fut créée par le conseil municipal de Belfort en 1910, elle représente le Lion de Belfort du sculpteur Bartholdi( auteur de la statue de la Liberté à New-York et de la fontaine de la place des Terreaux à Lyon), entouré de la légende « aux défenseurs de Belfort » avec en dessous les armes de la ville encadrées par les dates « 1870-1871 ». Le ruban est vert rayé au centre de 3 filets noirs avec un liséré tricolore de chaque côté. La mairie de Belfort la délivra avec un certificat aux anciens défenseurs qui en firent la demande.
Déjà en 1872, le parlement français avait décidé la création d’une médaille commémorative officielle, mais cette décoration ne fut pas réalisée.

Maréchal Von Motlke

Ce monument érigé à l’entrée principale du Parc de la Tête d’Or à Lyon, a été inauguré le 30 octobre 1887, à la mémoire des "Moblots" et des légions du Rhône, défenseur de la Patrie pendant la guerre de 1870-1871.

A cette inauguration, participèrent les délégués de la municipalité de Belfort, entourés d’un groupe de défenseurs de cette ville, porteurs du drapeau de Belfort pendant le siège. Ils offrirent un drapeau à la société fraternelle des anciens mobiles du Rhône.

BIBLIOGRAPHIE:
Histoire de la Révolution de 1870-71
JULES CLARETIE
Journal L’ECLIPSE . 1872

Histoire de France,
tome 7
HENRI MARTIN Jouvet & Cie, éditeurs

La Défense de Belfort
ED. THIERS ET S. DE LA LAURENEIE

Nouvelle Histoire de France
ALBERT MALET
Hachette

Dictionnaire des guerres
et des batailles de l’histoire de France
JACQUES GARNIER
Perrin éditeur, 2004

Les militaires
PIERRE GOUHIER
Editions universitaires 1983

Gazette des armes, N° 147
Novembre 1985

NOTES:

[1] Le ministre de l’Intérieur et de la Guerre Gambetta, confia l’importante garnison de Belfort à un simple commandant du Génie, Aristide Denfert-Rochereau, et le nomma colonel.

[2] Une nouvelle formation de Gendarmerie fut créée par le décret du 18 mai 1922 et s’appela « Garde mobile », elle eut pour mission de décharger la Gendarmerie départementale des réquisitions pour des tâches de maintien de l’ordre . En 1980 elle devint la Gendarmerie mobile.

[3] Sabre baïonnette du fusil Chassepot ayant la forme d’un sabre en usage chez les arabes, appelé yatagan (mot turc).

[4] Les formations militaires sorties de Belfort furent dissoutes à Grenoble du 9 au 14 mars 1871
 

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