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GOUMIERS, GOUMS, TABORS

Mémoire

LES ORIGINES

L’idée d’utiliser une force de police mobile supplétive est venue de l’expérience des "bureaux arabes" d’Algérie. En 1907, la France devait assurer la sécurité de la frontière algéro-marocaine et employait à cet effet des goums algériens levés dans les tribus des Hauts Plateaux . L’un d’eux fit partie du Corps de Débarquement à Casablanca et montra aussitôt l’intérêt de telles unités légères indigènes pour des opérations limitées.

Le 3 octobre 1908, fut créé le premier goum marocain (100 cavaliers) pour des opérations de police en Chaouïa (sud de Casablanca). Il fut dissous le 30 novembre suivant mais cette courte expérience montra l’intérêt de disposer de telles unités et le 1er novembre, l’ordre du jour N° 100 du général d’Amade fixa les conditions de recrutement et les missions de nouveaux goums pour assurer la paix et la sécurité dans la Chaouïa.

Il s’agissait donc bien, à l’origine, de forces de police intérieure chérifiennes sous encadrement européen destinées au maintien de l’ordre, organisées par les nations européennes en vertu de l’acte d’Algésiras signé le 7 avril 1906 prévoyant la restauration de la sécurité au Maroc.

Ainsi, la date du 1er novembre peut-elle être considérée comme le début de l’histoire glorieuse des Goums marocains. Le terme "goum" (Voir Sigles et définitions) fut préféré à celui de "milice marocaine" initialement proposé. Aussitôt commença le recrutement des 6 premiers goums dans les tribus de la plaine littorale de la Chaouïa (un capitaine, quelques officiers et sous-officiers français, 50 cavaliers et 150 fantassins marocains par goum).

LES PREMIÈRES OPÉRATIONS

Au cours de l’année 1909, les six premiers goums participent à des tournées de protection des tribus soumises et à la couverture des troupes régulières. Les premières opérations ont lieu dès l’année suivante chez les Zaër, tribus à l’est de la Chaouïa et au sud de Rabat, au cours desquelles les 3e et 4e goums éclairent les deux colonnes composées de Tirailleurs sénégalais, de Légionnaires et de Zouaves et montrent leurs qualités foncières : endurance, rusticité, sens du terrain et fidélité.

En mai 1911, les goums participent à la marche sur Fez et à l’occupation de Mekhnès et, après leur brillant comportement au combat et leur discipline, la décision est prise le 5 octobre 1911 de doubler leur volume par la création de six autres goums qui sont créés en octobre de l’année suivante.

Le 30 mars 1912, est signé le traité de protectorat de la France sur le Maroc. Il a pour effet de déclencher un certain nombre de révoltes, notamment à Fez et chez les tabors de l’armée chérifienne qui massacrent leurs officiers et sous-officiers français. Les troubles s’étendent dans les régions jusque là pacifiées. Le général Lyautey devient alors le premier Gouverneur général au Maroc. Plusieurs colonnes sont constituées auxquelles participent les goums à cheval et à pied agissant toujours en avant-garde ou en couverture des gros. Ces colonnes sont engagées sur différents objectifs : Marrakech (août-septembre 1912), Boujad et Demnat (novembre-décembre 1912),Tadla (mars à juin 1913), jonction Maroc occidental et Maroc oriental (mai 1914), khénifra (juin 1914)

A la veille du déclenchement de la Première Guerre mondiale, il existe 16 goums marocains répartis dans la partie occidentale du Maroc entre l’Oued Sous au sud et le Maroc espagnol au Nord.

LA PACIFICATION ET L’UNITÉ DU MAROC

Pendant la Première Guerre mondiale (1914-1918)
L’épouvantable hécatombe de 1914-1918 creuse, dès les premiers mois du conflit, des sillons profonds dans les effectifs combattants français et il est nécessaire d’opérer des prélèvements de plus en plus importants sur les troupes d’outre-mer. Lyautey joue le jeu de la solidarité nationale tout en voulant conserver à tout prix le Maroc sous le protectorat français sans lequel celui-ci sombrerait vite dans l’anarchie dont l’Allemagne à l’affût tirerait rapidement profit. Il rend à la Métropole le maximum de forces : "Je viderai la langouste, mais je conserverai la carapace". Soutenu par les autorités marocaines qui montreront en ces circonstances dramatiques pour la France que la loyauté n’est pas chez elles un vain mot, il réussira pendant toute la guerre à tenir le Maroc avec des effectifs réduits mais, selon sa méthode légendaire, en montrant sa troupe pour ne pas avoir à s’en servir.

Cette troupe fut en grande partie celle des goums. Pourtant, à plusieurs reprises il s’en fallut de peu que les Français n’échouent face à diverses tentatives de soulèvement, comme en novembre 1914 à El Herri ou dans le Moyen Atlas en 1915 ou à Tiznit en 1917, souvent fomentées par des agents allemands.

Dans ces opérations rapides mais risquées en raison de la faiblesse des moyens, les goums montrèrent leur valeur combattive et leur loyauté.

A la fin de la guerre, le nombre de goums était porté à 23.

La Guerre du Rif (1924-26)

La paix en Europe permet à la France de renforcer ses effectifs au Maroc. Mais les troubles ne s’arrêtent pas pour autant, surtout dans le Moyen Atlas et de nombreuses opérations sont menées entre 1920 et 1924 contre les tribus montagnardes qui faisaient des incursions ou razzias dans les plaines.

A partir de 1920, l’organisation des goums est modifiée sensiblement. De nouveaux goums sont créés, portant leur nombre à 28.au moment où se déclenche la guerre du Rif. Une plus forte décentralisation est adoptée pour la vie de chaque goum, son encadrement en sous-officiers qui devient davantage marocain, son recrutement, sa discipline et son instruction. Chaque goum est également renforcé d’armes collectives (fusils mitrailleurs puis mitrailleuses) Mais la personnalité initiale des goums est renforcée avec son commandement aux mains des officiers du Service des Renseignements et, sur le plan administratif, son rattachement au Chef de Corps délégué aux Goums Mixtes Marocains (GMM).

En 1924, enhardi par ses succès sur l’armée espagnole, Abdelkrim ambitionne de conquérir le Maroc en essayant dans un premier temps d’occuper la région de Fez. C’est le début de la guerre du Rif qui va durer deux ans jusqu’à la reddition d’Abdelkrim le 25 mai 1926.
Au cours de cette longue campagne, plusieurs goums sont engagés dans des conditions difficiles dans les régions montagneuses de la chaîne du Rif, notamment les 8e, 9e, 17e, 25e goums, au cours d’opérations que le Maréchal Lyautey, revenu résident général au Maroc après ses responsabilités de Ministre de la Guerre (décembre 1916-avril 1917), suit personnellement jusqu’à son éviction (septembre 1925).

L’affaire Lyautey - Pétain

C’est, en effet, à cette époque que l’on voit surgir les intrigues du Maréchal Pétain, très proche du président du Conseil et ministre de la Guerre, Painlevé.

Painlevé, après avoir accepté d’envoyer des renforts pour le Rif sur l’insistance renouvelée de Lyautey, décide de dissocier les responsabilités de Résident général et de Commandement en Chef des Troupes au Maroc et de confier ce dernier au Maréchal Pétain.

Ecœuré par les manœuvres politiciennes de Paris, le Maréchal Lyautey prend prétexte du rétablissement de la situation militaire pour donner sa démission par une lettre restée célèbre du 17 septembre 1925, démission que Painlevé s’empresse d’accepter pour placer son protégé.

La guerre va ensuite à son terme avec des renforts portant les effectifs à 150.000 et la création de 6 goums supplémentaires.
C’est à cette époque que l’on voit apparaître le légendaire Bournazel à la tête du 33e Goum.

La reddition d’Abdelkrim intervient le 27 mai 1926, mettant un terme à la guerre du Rif. Les 9e, 16e et 33e Goums participent directement aux conditions de cette reddition.

Les dernières campagnes jusqu’en 1939

La fin de la guerre du Rif ne met pas un terme aux opérations de pacification au Maroc. Elles se portent ensuite sur les montagnes et occupent de nombreux goums dont le nombre est porté à 47.

Les principales ont lieu dans la région de Tadla (1929-31), sur les confins algéro-marocains (1930-31), dans la région de Marrakech (1931-32), dans l’Atlas central (1932-33), dans l’Anti-Atlas (1934) et dans la région de Tindouf (1934).

Au cours de toutes ces années de pacification et d’unification du Maroc, les goums montrèrent leurs qualités exceptionnelles : aptitude au combat en montagne, rusticité, attachement à leurs chefs, courage et mépris du danger. Précisément, toutes ces qualités qui vont faire merveille dans la phase suivante, particulièrement glorieuse, de leur histoire.

Le principal artisan de l’emploi de ces unités fut le général Giraud, celui qui saura, après décembre 1942, en tirer le meilleur parti pour leur participation à la reconquête de l’Europe du Sud.

LA SECONDE GUERRE MONDIALE

Après la défaite de mai-juin 1940, le Général Noguès qui cumule les fonctions de Résident général au Maroc et de Commandant en Chef du Théâtre d’opérations en Afrique du Nord (TOAFN) s’efforce, en attendant l’heure de la revanche, de camoufler le maximum de forces et de matériels à la commission d’armistice germano-italienne qui a obligé le Gouvernement de Vichy à dissoudre le corps des Affaires indigènes (A.I.), celui des Affaires militaires musulmanes et les unités supplétives. Il y parvient en grande partie.

Jusqu’au moment du débarquement allié en Afrique du Nord (8 novembre 1942) plusieurs dizaines de milliers d’armes individuelles et collectives d’infanterie échappent ainsi à la vigilance des inspections de la commission d’armistice et à l’espionnage allemand particulièrement actif à partir de l’Espagne franquiste. Les effectifs et les cadres des goums sont camouflés dans les Méhalla chérifiennes, forces de police réparties dans les tribus et chargées du maintien de l’ordre, dépendant du Résident général, qui maintiennent en réalité l’existence d’une centaine de goums dont le tiers entre dans la composition d’une dizaine de tabors permanents. 270 officiers, 900 sous-officiers et 20.000 goumiers sont ainsi "camouflés".

La campagne de Tunisie (Novembre 1942-mai 1943)

Elle est l’effet immédiat du débarquement allié en AFN et la conséquence du repli de l’Afrika Korps de Rommel sous la poussée de la 8e Armée britannique. Dès le 9 novembre 1942 les Forces de l’Axe occupent la Tunisie utile et repousse dans les zones montagneuses les forces françaises qui s’y trouvent.

Un détachement d’Armée française (DAF) est aussitôt constitué sous les ordres du général Juin avec deux divisions formées d’Algérie et une du Maroc dans laquelle entrent les 1er et 2ème Groupes de Tabors Marocains (GTM). L’armement et les équipements de ces unités ne sont autres initialement que ceux provenant du "camouflage", très inférieurs à ceux des Alliés et de l’adversaire, essentiellement d’infanterie, sans appui de chars et avec de l’artillerie dépassée. Néanmoins, les tabors remplissent des missions essentielles en agissant dans leur meilleur élément, la montagne tunisienne.

A la mi-décembre 1942, le 1er GTM (2e et 3e Tabors) est ainsi engagé dans la Grande Dorsale et le 2ème GTM (1er et 6e Tabors) dans la Petite Dorsale. Ils participent aux opérations alliées aux offensives allemandes de janvier et février 1943. En mars, complétés par le 12e Tabor pour le 1er et par le 15e Tabor pour le 2ème, ils participent au retour offensif des Alliés jusqu’au rejet total des forces de l’Axe de Tunisie et même temps d’AFN, achevé le 8 mai 1943.
Les deux GTM sont ensuite ramenés au Maroc.

Le 4e Tabor en Sicile (juillet-septembre 1943)

Le 2 juin 1943 est créé le Commandement des Goums Marocains (CGM) aux ordres du Général Guillaume avec quatre GTM. Sur demande du Général Patton, commandant la 7e Armée US, le 4e Tabor est mis à la disposition des Alliés pour la conquête de la première tête de pont en Europe du Sud, la Sicile.

Il y débarque le 14 juillet à Licata au sud de l’île, équipé de matériel américain et passe sous les ordres de plusieurs DI US successives en fonction des difficultés qu’elles rencontrent en terrain accidenté où il fait merveille. Par son efficacité il s’y taille un prestige interallié qui rejaillit sur toutes les unités de tabors et ses actions de combat permettent de tirer de nombreux enseignements qui seront précieux pour la campagne suivante.

La prise de la Sicile par les Alliés entraîne la chute de Mussolini et le retrait de l’armée italienne de la guerre.

La libération de la Corse (septembre-octobre 1943) et de l’Ile d’Elbe (Juin 1944)

Devenu commandant en chef des forces françaises, le général Giraud monte une opération visant à libérer la Corse par les seules forces françaises. Sous les ordres du général Henri Martin, elle met en œuvre la 4e DMM, le 1er Bataillon de Choc et le 2e GTM (1er, 6e, 15e Tabor) et commence, le 13 septembre 1943, par le débarquement des commandos de Choc autour d’Ajaccio.

Le 23 septembre, les Tabors débarquent à leur tour dans le port d’Ajaccio et sont acheminés aussitôt vers le Cap Corse où se sont retranchées les unités allemandes en vue de leur ré-embarquement par Bastia. Les combats les plus durs ont lieu au col du Teghime (pied du Cap Corse) dominant Bastia, où les Allemands livrent un combat retardateur acharné.

Prisonnier de son succès en Corse, le 2e GTM ne participera pas à la campagne d’Italie mais, en renforcement de la 9e DIC, à la libération de l’Ile d’Elbe toute proche entre le 17 et le 29 juin 1944.

La campagne d’Italie (décembre 1943-juillet 1944)

A partir de mai 1943 commence à se constituer le CEFI en vue de la conquête de l’Italie. Le général Juin en prend le commandement le 18 mai. Le 3 septembre, les Alliés débarquent près de Naples mais rencontrent très vite des difficultés pour rompre la ligne Gustav solidement tenue par des unités allemandes de qualité sous les ordres du Maréchal Kesselring.

Les 3e et 4e GTM sont désignés pour le CEFI. En décembre, le 4e participe au sein de la 2e DIM à l’offensive de cette division dans les Abruzzes et en janvier 44 le 3e participe avec la 3e DIA à la première bataille de Cassino.

Pendant l’offensive de Printemps (avril-mai 1944) ces deux GTM et le 1er GTM qui les a rejoints le 20 avril sont regroupés sous le commandement du général Guillaume dans le CGM qui constitue avec la 4e DMM le Corps de Montagne du général Sevez. C’est dans ce cadre tactique qu’ils participent à la rupture de la ligne Gustav en mai 1944, ouvrant aux Alliés la route de Rome (prise le 4 juin)
Au cours de cette dure campagne les pertes des trois GTM ont été sévères surtout celles du 4e, engagé dans les opérations les plus meurtrières. Le nombre de tués est en officiers, sous-officiers et goumiers est de 5-4-123 pour le 1er GTM, 10-14-105 pour le 3e GTM et 9-14-255 pour le 4e GTM et ces chiffres sont à tripler pour le nombre de blessés.

La campagne de France (août 1944-mars 1945)

En vue du débarquement en Provence les 1er et 3e GTM rejoignent fin juillet 44 le 2e resté en Corse où ils sont remis en condition. Les trois GTM débarquent en Provence à partir du 18 août.

Marseille (20 au 28 août 1944)

Du 20 au 28 août, ils sont engagés dans la réduction des défenses de Marseille au sein de la 3e DIA sous les ordres du général de Montsabert. Le 2e GTM assure l’attaque sur Aubagne puis Carpiagne et la chaîne de Saint-Cyr pendant que le 1er GTM, par un large débordement nord des défenses de Marseille s’infiltre dans la ville par le nord et que le 3e GTM progresse par le sud sur la Ciotat et le long de la côte. Les 26 et 27 août, par les banlieues nord, est et sud les GTM réduisent les différentes résistances allemandes et prennent ainsi, avec les régiments de Tirailleurs de la 3e DIA, une part décisive à la capitulation de la garnison allemande obtenue le 28.
La libération de Marseille leur a coûté 7 officiers, 10 sous-officiers, 133 goumiers et trois fois plus de blessés.

Les Alpes (2 septembre-21 octobre 1944)

Pour éviter le ré-embarquement des goums pour le Maroc après la victoire de Marseille, le général Guillaume obtient du général de Lattre de Tassigny qu’ils soient engagés dans les Alpes contre un retour offensif allemand à partir de l’Italie du nord.

De violents combats ont lieu dans la région du col de Vars où le Lt-Col de Colbert, cdt le 3e Tabor (1e GTM ) est tué sous les coups de l’artillerie ennemie.

Les Vosges (25 septembre 1944-19 mars 1945)

Rattachés à la 3e DIA, les 2er et 3e GTM sont engagés dans plusieurs opérations à l’est de Remiremont et au sud de Gérardmer entre le 25 septembre et le 5 octobre. En novembre, le 1er GTM participe à la prise de Belfort dans le cadre de la 5e DB.

En novembre et décembre, les trois GTM de nouveau réunis participent à la bataille de la crête des Vosges par un froid glacial et dans une neige abondante.

En février, le 3e GTM dans le cadre de la 10e DI participent aux opérations autour de Munster pour déboucher sur la plaine d’Alsace avant la bataille décisive de Colmar. C’est là qu’il termine la guerre. Il est ramené à Marseille le 7 avril et rentre au Maroc. Il est remplacé par le 4e GTM.

La campagne d’Allemagne (mars- mai 1945)

Les 1er, 2e et 4e GTM participent à cette campagne.
Le 19 mars, jour mémorable, la 3e DIA pénètre en Allemagne au nord de Strasbourg, dans la région de Lauterbourg. Le 1er GTM participe aussitôt (20 au 25 mars) à l’action de percement de la ligne Siedfried déployée en arrière.

L’Armée de Lattre reçoit alors la mission de "s’emparer de Karlsruhe, Pforzheim et Stuttgart". Et le 31 mars, le Rhin est franchi à Spire par la 3e DIA et à Germersheim par la 2e DIM. A leur tour à Spire, le1er GTM franchit le 4 avril et le 4e GTM le 8 avril. Tous deux sont ensuite engagés pour la prise de Pforzheim sur un affluent du Néckar.

Fin avril, alors que les dernières grandes unités allemandes s’accrochent aux massifs forestiers de Forêt Noire et du plateau souabe, le 2e GTM agit à l’ouest de la Forêt Noire dans le cadre de la 9e DIC ou de la 4e DMM., les 1er et 4e GTM poussent sur Stuttgart puis Tubingen. Du 30 avril au 8 mai, le 2e GTM poursuit en Bavière jusqu’à la frontière autrichienne.

Après la capitulation allemande, le 8 mai 1945, les trois GTM ont des destinées différentes.

Le 4e GTM quitte la 2e DIM en juin pour s’installer en Forêt Noire au sud-est de Fribourg. Le 5 octobre il reçoit sa 2e citation à l’ordre de l’Armée des mains du général de Gaulle. En avril 1946, son aventure prend fin. Il rentre au Maroc et est dissout le 16 juillet 1946.
Le 2e GTM, entré en Autriche le 5 mai, reçoit la visite du Sultan du Maroc le 25 juin. En novembre, il est ramené à Marseille pour rentrer au Maroc où il est dissout le 1er mai 1946.

Il en est de même pour les deux autres GTM.

Un lourd tribu à la Victoire alliée.

Au cours de la 2e Guerre mondiale, les Goumiers ont été employés là où leurs qualités foncières pouvaient être les plus précieuses, où d’autres troupes même aguerries pouvaient difficilement réussir. Mais ce fut au prix de pertes impressionnantes. De novembre 1942 à mai 1945, ils ont eu :
- 67 officiers, 104 sous-officiers, 1454 goumiers tués ou disparus ;
- 115 officiers, 285 sous-officiers, 5993 goumiers blessés ;
soit, au total, 8018 personnels mis hors de combat.

LA GUERRE D’INDOCHINE (1945-1954)
En Indochine, la guerre contre le Viet-Minh fait suite à la capitulation japonaise.. Elle va se poursuivre pour l’Armée française jusqu’en juillet 1954 (accords de Genève). Tout au long de ces 9 années les besoins en effectifs vont être considérables et les goums marocains vont aussi apporter leur contribution au Corps Expéditionnaire français en Indochine.

9 tabors ont été engagés en Indochine . Le premier à y avoir servi a été le 10e Tabor à partir d’octobre 1948. Les Tabors sont engagés pour la plupart au Tonkin dans différentes actions indispensables à la sécurité de l’ensemble du Corps Expéditionnaire : ouvertures de routes, escortes de convois, opérations de ratissage, sécurité sur zones, nettoyages en moyenne et haute montagne et dans le delta tonkinois.
Citons parmi les principales zones d’engagement :
- la zone frontalière du Nord-Est (8e et 10e à leur 1er séjour, 1er, 2e, 3e, 9e, 11e Tabor. Voir, plus loin, Cao Bang et la RC 4),
- le Pays Thaî (8e et 10e à leur 2e séjour, 2e, 5e, 11e, 17e Tabor) ;
- Dien Bien Phu (2e Tabor)
- le Centre Annam (1er, 9e Tabor) et les Hauts Plateaux annamites (8e Tabor, 2e séjour)
- le Laos (8e et 10e Tabor à leur 2e séjour, 5e, 9e Tabor)

Au cours de toutes ces opérations d’Indochine, le total des pertes (tués au combat ou morts en captivité dans les camps Viets) des Tabors marocains en Indochine s’élève à 16 officiers, 41 sous-officiers 730 goumiers.

Le calvaire de Cao Bang et de la RC 4 (octobre 1950)

Il convient d’accorder un développement particulier à la retraite de Cao Bang par la RC 4.
A la fin de 1949 Mao Tsé Tung et le parti communiste triomphent en Chine. Le Viet-Minh dispose alors de bases sûres et de soutiens efficaces à la frontière nord-est du Tonkin. Après une période de renforcement du dispositif frontalier auquel participent les 1er, 3e, 8e et 10e Tabors entre décembre 1949 et octobre 1950, le commandement français décide d’évacuer tous les postes frontaliers et l’importante garnison de Cao Bang et de resserrer son dispositif sur le delta tonkinois. C’est la bataille meurtrière de la RC 4, le cordon constamment harcelé par les divisions Viets qui relie Cao Bang au nord au Delta tonkinois à Langson à travers la zone montagneuse.
L’évacuation de Cao Bang où se trouve le 3e Tabor demande une des plus grosses opérations de la guerre d’Indochine dont l’enjeu est considérable pour les Viets comme pour le Corps expéditionnaire. Elle commence par le renforcement des principales garnisons qui doivent servir de relais sur la RC 4, en particulier Dong Khé où doit avoir lieu la jonction de la colonne Charton partie de Cao Bang et de la colonne Le Page venant du sud.

Partie de That Khé le 30 septembre, la colonne Le Page (1er et 9e Tabors, bataillon 8e RTM, ,BEP et partisans vietnamiens) échoue devant Dong Hhé le 2 octobre où elle subit les assauts meurtriers de plusieurs bataillons Viets. Les deux colonnes péniblement réunies tentent ensuite de desserrer l’encerclement Viet pendant près d’une semaine, alourdies par le nombre de ses blessés qu’il devient impossible d’évacuer. De nouveaux violents combats sont nécessaires pour dégager de That Khé les unités rescapées ainsi qu’une troisième colonne venue de Langson à la rescousse.

Les pertes totales françaises de l’opération sont considérables : 2000 tués et 3000 prisonniers dont 2000 ne survivront pas à l’inhumaine captivité Viet-Minh.

TUNISIE-ALGÉRIE (1955-56)

Dien Bien Phu et la fin de la guerre d’Indochine ont un retentissement psychologique et politique considérable en AFN et en particulier au Maroc. Pourtant, les goums et notamment ceux qui sont rapatriés d’Indochine au Maroc conservent leur cohésion et leur attachement à leurs cadres.

En Tunisie, les troubles qui commencent en 1954 ne sont pas étrangers à cette situation. Pour y faire face un tabor tunisien est créé sur le modèle des goums marocain. Fin septembre 1954, arrivent successivement en Tunisie pour y participer aux opérations de maintien de l’ordre les 3e, 8e,et 10e Tabors qui sont rapatriés au Maroc en avril 1956.

Deux d’entre eux, les 8e et 10e, décidément inséparables, participent aux opérations en Algérie, essentiellement dans les Aurès, le 8e à partir de janvier 1955, le 10e à partir de mars 1955.

CONCLUSION. LA DERNIÈRE PRISE D’ARMES

Le 3 mars 1956, le Maroc devient indépendant. La Tunisie le devient le 20 mai suivant. En Algérie, la guerre s’étend depuis le 1er novembre 1954. Au-delà d’avril 1956 la France ne peut plus employer sur ce territoire des formations supplétives d’un pays qui donne asile à l’organisation et aux bandes armées du FLN algérien. Tous les goums marocains sont alors dissous.

De 1908 à 1956 la saga des Goums marocains aura duré 48 ans. Pendant près d’un demi-siècle, l’uniforme des Goumiers, à mi-chemin entre le vêtement traditionnel berbère et la tenue de combat moderne, aura été vu, craint et toujours admiré sur tous les champs de bataille de la première moitié du XXe Siècle où se sera battue l’Armée française, à l’exception de la 1ère Guerre mondiale. Et pendant cette longue période de combats quasi ininterrompus, les Goumiers seront restés des fidèles. Fidèles à leurs origines, fidèles à leurs chefs qu’ils se seront eux-mêmes donnés, fidèles à leurs traditions qu’ils auront forgées par leurs exploits.

C’est sans doute pourquoi l’histoire des Goums marocains reste entourée de mystère et de légende comme celle des meilleures troupes. Et leur gloire est aussi rehaussée par celle des chefs, grands et petits, qui sont liés à leur destin : Lyautey, Giraud, Juin, Guillaume, Bournazel, Le Blanc, et bien d’autres... On ne peut les citer tous tant leur cohorte est immense.

En servant la France les Goumiers auront aussi servi leur pays, le Maroc. Et si l’amitié franco-marocaine est restée aussi vive depuis 1956, c’est sûrement pour une grande part grâce aux pages glorieuses inscrites avec le sang des Goumiers marocains.

Le 9 mai 1956, se déroula à N’Kheila au Maroc le dernier adieu au Drapeau unique des Goums marocains, ce même Drapeau que le général de Gaulle leur avait remis à Paris, le 14 juillet 1945, première fête nationale suivant la fin de la 2ème Guerre mondiale.

Depuis, ce Drapeau a rejoint aux Invalides les Emblèmes des régiments dissous de l’Armée française.

© François Lescel, Farac-Info n° 366 Mars 2002
NOTES:

PRINCIPALES CAMPAGNES des GOUMS hors Maroc.

- 2e guerre Mondiale.
- Tunisie (1942-43).
1e GTM (2e, 3e, 12e Tabor).
2e GTM (1er, 6e, 15e Tabor).
4e Tabor
Sicile (1943).
4e Tabor
- Corse (1943).
2e GTM (1er, 6e, 15e Tabor)

- Italie (1943-44)
1er GTM (2e, 3e, 12e Tabor)
3e GTM (1er, 6e, 15e Tabor)
4e GTM (5e, 8e, 11e Tabor)
- France et Allemagne (1944-45)
1er GTM (2e, 3e, 12e Tabor)
2e GTM (1e, 6e, 15e Tabor)
3e GTM (9e, 10e, 17e Tabor)
4e GTM ( 5e, 8e, 11e Tabor)
- Guerre d’Indochine( 1946-54).
1er, 2e, 3e, 5e, 8e (deux séjours), 9e, 10e (deux séjours), 11e, 17e Tabor.
- Tunisie (1954-56), Algérie (1954-1956).
3e, 8e, 10e Tabor.

SIGLES et DEFINITIONS:
A. I. Affaires Indigènes du Maroc. La quasi-totalité de l’encadrement des Goums en était issue.
AFN. Afrique du Nord française comprenant l’Algérie, le Maroc et la Tunisie auxquels il est communément ajouté la Mauritanie.
BEP. Bataillon Etranger de Parachutistes en Indochine.
CEFI. Corps Expéditionnaire Français en Italie sous les ordres du général Juin.
CGM. Commandement des Goums Marocains pendant la campagne d’Italie, aux ordres du général Guillaume.
DAF. Détachement d’Armée française constitué dès novembre 1942 sous les ordres du général Juin pour la campagne de Tunisie.
DB(5e). 5e Division Blindée engagée à partir de septembre 1944 dans les Vosges.
DI(10e). 10e Division d’Infanterie française.
DI US. Division d’infanterie américaine.
DIA(3e). 3e Division d’Infanterie Algérienne.
DIC(9e). 9e Division d’Infanterie Coloniale.
DIM(2e). 2e Division d’Infanterie Marocaine.
DMM(4e). 4e Division Marocaine de Montagne.
Fanion. Emblème du Goum à l’extrémité d’une hampe ornée d’une queue de cheval.
GMM. Goums Mixtes Marocains. Organisation administrative commandée par un colonel, chef de corps.
Goum. En arabe, troupe.. Par ext., levée d’une troupe contre un ennemi. Unité de base des Goums marocains équivalente à la compagnie d’infanterie et commandée par un capitaine (Cne), parfois un lieutenant (Lnt). Effectif : 100 à 200 hommes.
Goumier. Supplétif marocain engagé pour une période limitée renouvelable (1 an en général) Personnel du goum.
GTM. Groupe de Tabors Marocains. Formation de combat équivalente au régiment d’infanterie mais sans disposer des mêmes moyens d’appui, comprenant en général 3 tabors. Effectif : 1500 à 3000 hommes.
RC 4. Route coloniale N°4, près de la frontière chinoise, témoin de combats meurtriers.
RTM. Régiment de Tirailleurs Marocains.
Tabor. Formation de combat équivalente au bataillon d’infanterie et comprenant en général 3 goums, parfois 4. Effectif : 500 à 800 hommes.
TOAFN. Théâtre d’opération en Afrique du Nord.
BIBLIOGRAPHIE:
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GUILLAUME (Augustin, général d’armée), Homme de guerre, Paris, France Empire, 1977.
JUIN (Alphonse, Maréchal de France), La campagne d’Italie, Paris, Guy Victor, 1962.
JUIN (Alphonse, Maréchal de France), Mémoires, Paris, Arthème Fayard, 1959-60
LATTRE (de) de TASSIGNY (Jean, Maréchal de France), Histoire de la Première Armée Française, Rhin et Danube, Paris, Librairie Plon, 1949.
LE PAGE (colonel), Cao Bang, Nouvelles Editions Latines, 1981
MERAUD (Marc), Histoire des A. I., Le service des Affaires Indigènes au Maroc, Paris, La Koumia - Public-Réalisations, 1990.
SALKIN (Yves) et MORINEAU (Jacques), Histoire des Goums marocains (tome 2), La Seconde Guerre mondiale et l’après-guerre (1934-1956), Paris, La Koumia - Public-Réalisations, 1987.
SAULAY (Jean) Histoire des Goums marocains (tome 1), Le Maroc, pacification et unification du Pays (1908-1934), Paris, La Koumia - Public-Réalisations, 1985. 

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