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LES FOURRAGERES

Mémoire

« Vous ne vous arrêterez pas dans vos succès, je ne m’arrêterai pas non plus, dussé-je inventer pour vous de nouvelles récompenses ». (27 septembre 1917. Le Commandant en chef des Armées françaises)

LES ORIGINES : LES CITATIONS COLLECTIVES.

Sous la Révolution, la Convention avait déjà accordé à de nombreux groupes de combattants des citations collectives en déclarant qu’ils avaient bien mérité de la Patrie, mais c’est l’empereur Napoléon 1er qui autorisa les régiments à porter sur leurs drapeaux des inscriptions les glorifiant. Le 15 août 1809, lorsqu’il créa l’ordre des Trois Toisons d’Or, il décida que seraient décorés de l’insigne du nouvel ordre les Aigles de certains régiments ayant participé aux batailles de la Grande Armée.

En fait, cet ordre ne fut jamais institué, mais la pensée de son créateur fut certainement à l’origine de la décision de Napoléon III en date du 13 juin 1859 selon laquelle "le régiment qui prendra un drapeau à l’ennemi portera la Légion d’honneur sur son Aigle."

Dans la pratique, les attributions de la Légion d’Honneur aux drapeaux ont été motivées par trois catégories principales de titres :

- un fait d’armes éclatant,
- le souci d’honorer une arme ou une subdivision d’arme particulièrement glorieuse,
- un nombre élevé de citations.

A cet égard, et contrairement à une erreur fréquente dans l’opinion, il n’y a pas de liaison directe entre le port d’une fourragère et l’attribution au drapeau de la décoration correspondante,car, comme nous le verrons plus loin, c’est uniquement le nombre de citations à l’ordre de l’Armée qui est pris en compte pour l’attribution de la fourragère à une unité.

C’est pourquoi, il nous tout de suite régler un sujet de polémique. La "cordelière rouge" portée par les policiers parisiens n’est pas une fourragère militaire, car leur drapeau, décoré de la Légion d’Honneur le 12 octobre 1944, n’est pas un emblème militaire et de plus, il n’a pas le nombre minimum de citations qui donne droit au port de la fourragère de la Légion d’Honneur. Par contre ce qui est valable pour les fourragères de la Légion d’honneur, de la Médaille Militaire et des croix de guerre, ne l’est plus pour la récente fourragère de l’ordre de la Libération.

LA "CORDE À FOURRAGES" : NOUVELLE DISTINCTION ENTRE LES CORPS D’ÉLITE.

Les fourragères militaires ont pour origine la corde à fourrages que portaient autrefois les dragons autrichiens autour de l’épaule gauche et que les hussards et les artilleurs du premier Empire adoptèrent comme ornement, lequel fut supprimé en 1870.

La circulaire ministérielle du 21 Avril 1916 est véritablement l’acte de création de la fourragère militaire. Elle en fait un insigne de distinction honorifique accordé définitivement à une formation militaire : "Il est créé un insigne spécial destiné à rappeler les actions d’éclat de certains régiments et unités formant corps cités à l’ordre de l’armée. Cet insigne sera constitué par une fourragère aux couleurs de la croix de guerre."

Certains régiments ayant obtenu plusieurs citations à l’ordre de l’armée, le commandement estima nécessaire d’établir une distinction basée sur le nombre de citations à l’ordre de l’armée. Une circulaire en date du 22 février 1918 officialisa les nouvelles dispositions.

La fourragère consiste en une tresse à la couleur ou aux couleurs de la décoration militaire qu’elle représente. Une extrémité de la tresse forme un trèfle et l’autre est munie d’un ferret (petite pièce métallique en forme d’aiguille) au-dessus duquel le cordon forme un nœuds à quatre tours. Elle est portée attachée à la patte d’épaule gauche de l’uniforme par le trèfle et par la tresse avant le nœud à quatre tours après être passée sous le bras gauche.

Lors des prises d’armes et des défilés, le port de la fourragère est dit "en bataille" et la partie qui est avant le ferret et le nœud à quatre tours, au lieu d’être fixée sur la patte d’épaule, est attachée sur l’un des boutons de plastron de l’uniforme.

On confond souvent les fourragères avec les "aiguillettes" portées par les gendarmes sur leur tenue de parade (blanches) -voir à la suite du présent article les précisions données à leur propos- ou par les officiers aides de camp (dorées) qui sont de simples ornements de l’uniforme militaire portés sur l’épaule droite.

Les drapeaux des régiments ou unités "à fourragère (s)" portent la ou les fourragères en haut de leur hampe et sur leur cravate tricolore les croix ou médailles des décorations correspondantes avec les palmes des citations.

LA HIÉRARCHIE DES FOURRAGÈRES.

La fourragère est tressée aux couleurs du ruban :

- de la Croix de Guerre (vert et rouge) pour 2 ou 3 citations à l’ordre de l’armée,
- de la Médaille Militaire (jaune et vert) pour 4 ou 5 citations à l’ordre de l’armée,
- de la Légion d’Honneur (rouge) pour 6, 7ou 8 citations à l’ordre de l’armée.

Au-delà de 8 citations à l’ordre de l’Armée, la hiérarchie de la fourragère a prévu :

- la double fourragère Légion d’Honneur et Croix de Guerre pour 9, 10 ou 11 citations,
- la double fourragère Légion d’Honneur et Médaille Militaire pour 12, 13 ou 14 citations,.
- la double fourragère de la Légion d’Honneur A partir de 15 citations,.

Ces 3 doubles fourragères ont à partir du trèfle une petite bride appelée "tour de bras" à la couleur de la Légion d’Honneur.

Actuellement, la double fourragère Légion d’Honneur et Médaille Militaire ainsi que la double fourragère de la Légion d’Honneur n’ont été attribuées à aucun régiment ou formation, car aucun d’eux n’a obtenu plus de 11 citations à l’ordre de l’armée au cours d’une même guerre.

LA FOURRAGÈRE DES TOE.

Avec le développement des théâtres d’opérations extérieurs (T.O.E.) il a bien fallu récompenser les formations qui s’y étaient distingués par leurs nombre de citations acquises sur ces TOE. C’est pourquoi une fourragère aux couleurs de la croix de guerre des T.O.E. (rouge et bleu pâle) a été créée en 1925 pour les unités ayant obtenu 2 ou 3 citations à l’ordre de l’Armée sur des théâtres d’opérations extérieures.

A partir de 1926 et pour les unités ayant obtenu au moins 4 citations à l’ordre de l’armée, la fourragère sera aux couleurs de la Médaille Militaire, mais avec une "olive" aux couleurs de la croix de guerre des T.O.E. placée entre le ferret et le nœud à quatre tours.

Une circulaire en date du 27 novembre 1954 précise que, pour les unités ayant obtenu 6, 7 ou 8 citations à l’ordre de l’Armée, la fourragère sera aux couleurs de la Légion d’Honneur avec une « olive » aux couleurs de la croix de guerre des T.O.E.

Les fanions de nombreux bataillons ayant combattu en Indochine ont reçu la fourragère de la croix de guerre des T.O.E.

Une circulaire en date du 27 novembre 1954 précise que, pour les unités ayant obtenu 6, 7 ou 8 citations à l’ordre de l’armée, la fourragère sera aux couleurs de la Légion d’Honneur avec une "olive" aux couleurs de la croix de guerre des T.O.E..

Les fanions de nombreux bataillons ayant combattu en Indochine ont reçu la fourragère des T.O.E.

PAS DE FOURRAGÈRE DE LA GUERRE DE 1939-1945.

Il n’existe pas de fourragère aux couleurs de la croix de guerre 1939-1945 (vert et rouge dominant), la forme et les couleurs de celle de 1914-1918 sont maintenues (vert dominant et rouge), par contre une "olive" (vert et rouge dominant) placée entre le ferret et le nœud à quatre tours permet de la différencier de celle obtenue en 1914-1918.

LA SUBTILITÉ HIÉRARCHIQUE DES "OLIVES".

On s’aperçoit donc que, pour éviter de multiplier le nombre de fourragères, dont l’origine vient de la 1ère Guerre mondiale, on a préféré, après la création de la fourragère des TOE, introduire un nouveau signe distinctif matérialisant les nouvelles citations acquises à l’ordre de l’Armée. c’est la création des "olives".

Mais la "finesse hiérarchique" va encore plus loin. Ces "olives" ont aussi une autre signification lorsqu’elles sont constituées en 2 parties. Ainsi :

- la moitié inférieure est aux couleurs de l’une des 2 croix de guerre (1914-1918 ou 1939-1945)
- la moitié supérieure aux couleurs de la Médaille Militaire pour 4 ou 5 citations ou de la Légion d’honneur pour 6 à 8 citations obtenues lors de l’une des deux guerres.

De 9 à 11 citations un anneau blanc sépare la partie supérieure aux couleurs de la Légion d’Honneur de la partie inférieure aux couleurs de l’une des 2 croix de guerre.

Dans certains cas, 2 "olives" peuvent être superposées, comme par exemple sur une fourragère de la Légion d’Honneur : une « olive » avec la partie supérieure rouge et la partie inférieure rouge et dominante verte séparées par un anneau blanc ( 9 à 11 citations en 1914-1918) et une « olive » verte à dominante rouge ( 2 ou 3 citations en 1939- 1945).

LA FOURRAGÈRE À TITRE INDIVIDUEL.

Encore une question mal connue.

Par la circulaire du 22 Février 1918, tout combattant ayant participé aux faits de guerre, visés dans les citations ayant provoqué l’attribution de la fourragère à leur unité, pourra la conserver, à titre individuel, même après son affectation à un autre corps ne l’ayant pas.

Ce droit fait l’objet d’une attestation du chef de corps. Généralement lorsqu’un corps a été cité à l’ordre de l’armée, chaque combattant reçoit la copie de la citation avec au bas la mention de son nom, de sa présence au corps et de la signature de son chef de corps. La fourragère portera alors sur un coulant placé au-dessus du ferret ou de l’olive, suivant la nature de la fourragère, le numéro en métal de l’unité ou de la formation d’origine. A défaut de numéro, l’insigne régimentaire ou de la formation sera épinglé au-dessus du ferret.

C’est cette décision qui pourrait expliquer les fourragères "modèle réduit" de la croix de guerre 1914-1918 figurant sur le ruban de certaines croix de guerre de cette époque et qui auraient indiqué que le titulaire, en plus de sa citation personnelle, était présent au régiment lors des faits de guerre qui avaient fait attribuer à ce dernier la fourragère verte et rouge.

LA DERNIÈRE FOURRAGÈRE CRÉÉE : L’ORDRE DE LA LIBÉRATION.

Extraits de l’arrêté du 23 février 1996 portant création de la fourragère de l’ordre de la Libération

« Il est créé un insigne spécial portant le nom de fourragère de l’ordre de la Libération destiné à pérenniser l’ordre de la Libération et à préserver de l’oubli le souvenir des compagnons de la Libération. La fourragère se compose d’un cordon rond, doublé sur la partie formant le tour de bras, dont les fils sont de nuance vert et noir mélangées rappelant les couleurs du rubans de la croix de la Libération. Une extrémité du cordon forme un trèfle et l’autre extrémité est munie d’un ferret et d’un coulant en métal uni de la couleur du bouton de l’uniforme porté par les militaires des unités, bâtiments de guerre et formations aériennes concernées ; au-dessus du ferret le cordon forme un nœud à quatre tours. L’insigne de la croix de la Libération, d’un format réduit au tiers, est fixé entre le ferret et le nœud du cordon.

CONCLUSION.

Avec la fourragère à l’ordre de la Libération s’achève la longue histoire des fourragères des Armées françaises. Fin provisoire. ? Espérons-le. Cela voudrait dire que les conflits s’éloigneraient définitivement...

En tout cas, on l’a vu, la ou les fourragères sont bien loin d’être un simple ornement d’uniforme. Portées par tous les militaires d’un même corps de troupe et accrochées à la hampe de son emblème, elles témoignent, avec toutes les subtilités et couleurs et de formes d’olives que nous avons voulu vous conter, de la gloire acquise sur tous les champs de bataille.

Au même titre que les noms inscrits sur la soie des emblèmes, les fourragères, insignes collectifs, reflètent avant tout "le sang versé pour la Patrie". C’est pourquoi, elles sont toujours portées fièrement.

Et c’est pourquoi aussi, la cérémonie dite de "remise de la Fourragère" a une telle importance pour la jeune recrue. C’est le signe de la dignité acquise pour l’appartenance de plein droit à un corps de troupe.

LES PREMIERS REGIMENTS ET UNITES AUXQUELS LA FOURRAGERE DE LA CROIX DE GUERRE A ETE CONFEREE

(L’Illustration n° 3836 du 9 septembre 1916)

- 152e, 224e, 329e régiments d’infanterie
- 1er, 22e, 27e bataillons de chasseurs
- 3e bataillon de marche d’infanterie légère d’Afrique
- 3e et 8e régiments de marche de zouaves
- 4e et 8e régiments de marche de tirailleurs
- 2e régiment du 1er étranger
- 2e régiment du 2e étranger
- compagnies 14/5 et 14/15 du 4e génie
- compagnies 10/2 et 10/3 du 6e génie
- 61e régiment d’artillerie de campagne
- escadrille MF1
- escadrille N67
- 1er groupe d’aviation de bombardement
- 3e goum à cheval du Maroc
- le régiment d’infanterie coloniale du Maroc.

Bibliographie sommaire.

S.H.A.T. Vincennes.
Les Cahiers de l’Infanterie.
Décorations officielles françaises ( Monnaie de Paris) .
Képi Blanc (Revue officielle de la Légion étrangère.
Musée du Souvenir militaire, Lyon. .

LES AIGUILLETTES DES GENDARMES

A la suite de l’article du général Claude GIRARD paru dans le numéro 374 du 1er janvier de FARAC INFO, le général Philippe JACQUES, commandant la Région de Gendarmerie Sud-Est Lyon, a bien voulu nous adresser sa contribution sur un point évoqué dans l’article, celui des aiguillettes, à ne pas confondre avec les fourragères. Nous l’en remercions, et bien volontiers, nous nous empressons d’en faire part à nos lecteurs.

"Le port de l’aiguillette de soie blanche a été instauré par l’Ordonnance du 16 mars 1720, qui a précisé les premières véritables codifications des tenues. L’aiguillette rappelle à chaque gendarme la filiation de la gendarmerie, par l’intermédiaire de la Maréchaussée, avec la Maison du Roi, dont les membres avaient pour mission la protection du Souverain. Toutes les unités prestigieuses de cette formation portaient ces attributs qui sont donc ceux d’une troupe d’élite. Aujourd’hui l’aiguillette blanche figure toujours sur la tenue de cérémonie des militaires de la gendarmerie.

Les ferrets qui l’ornent sont de couleur blanche pour la gendarmerie départementale et or pour la gendarmerie mobile. L’aiguillette se porte non pas montée en trèfles comme par le passé, mais accrochée sur le trèfle de gauche. Par conséquent elle ne doit pas être confondue avec un autre attribut d’uniforme, qu’est la fourragère.

Comme tous les militaires, les gendarmes sont extrêmement sensibles à la symbolique militaire et à sa signification. Les précisions apportées ci-dessus permettront à vos lecteurs de progresser encore dans ce domaine passionnant qui plonge dans l’histoire des institutions".

 

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